Consultant et spécialiste de la distribution, Gérard Pouet livre sa vision de l’évolution du métier de vélociste dans un marché en baisse et suggère des axes de développement. Entretien.

Le marché du cycle neuf, selon les premières estimations, a marqué le pas pour la seconde année consécutive. Quelles sont les incidences pour la distribution ?
En effet, l’USC annonce une baisse comprise entre -10% et -15% sur le neuf en 2024. La croissance à deux chiffres des années post-Covid semble bien derrière nous ! De plus, on observe un effet ciseaux, car, sur un marché en décroissance, le nombre d’ouvertures de nouveaux magasins a continué de progresser en 2024. Il y a malheureusement fort à parier que les défaillances d’entreprises vont s’accélérer dans les mois ou années à venir. Cela va être difficile, en particulier pour les commerces qui restent isolés.
Sur quels relais de croissance les détaillants peuvent-ils donc compter ?
Des pistes de développement existent, non pas sur le neuf, mais sur l’occasion, à l’instar de ce qui se passe dans le secteur automobile. Rappelons que dans l’automobile, il se vend 3 véhicules d’occasion pour 1 véhicule neuf.
En 2024, il s’est vendu 1,7 million de véhicules neufs, soit une baisse de 3,2%, contre 5,4 millions véhicules d’occasion, en hausse de 3%.
Des enseignes spécialisées comme Aramis, Sofipel, Starterre ont développé un véritable savoir-faire et ont apporté à ce marché l’image professionnelle qui lui manquait. Le C-to-C est aujourd’hui en voie de disparition, remplacé par le B-to-C. L’automobile d’occasion est ainsi revenue dans les concessions à 80%. Celles-ci proposent des garanties « Or », des financements, des assurances, de l’entretien… C’est la clé du succès.
Malheureusement, ce n’est pas le cas dans le cycle, où la vente de l’occasion par les professionnels reste marginale, alors qu’elle constitue - en plus d’être vertueuse dans un contexte de transition écologique - un formidable relais de croissance. En l’absence de données précises, il est difficile d’estimer les volumes, mais à titre d’exemple, une plateforme spécialisée comme Troc Vélo a publié plus de 250 000 annonces ; Alltricks a vu son volume d’affaires progresser grâce à la seconde main ; Le Bon Coin recense plus de 450 000 vélos en vente de particulier à particulier…
Pourquoi les professionnels tardent-ils à investir ce marché et quelles sont les pistes ?
C’est avant tout une question de volonté, de compétences et bien évidemment d’organisation interne. La vente d’occasion suppose de savoir diagnostiquer l’état d’un vélo et de chiffrer sa remise en état, ce qui permet ensuite d’offrir aux clients les garanties contractuelles permettant de faire la différence avec la vente entre particuliers. J’évacue la formule du dépôt-vente, sans véritable valeur ajoutée.
En l’absence d’argus standardisé et reconnu, c’est au professionnel de savoir établir un prix de reprise incluant les frais de remise en état, c’est-à-dire le prix des pièces plus le temps de main d’œuvre. Sur ce prix, le distributeur va appliquer un coefficient multiplicateur de 1.7 pour avoir le prix de vente final. Or, c’est parfois à ce stade que la reprise a du mal à se concrétiser, car le particulier pense toujours que son vélo vaut plus cher que ce qu’on lui propose et qu’il pourra mieux le vendre par ses propres moyens.
La vente d’occasion par les professionnels ne concerne donc que les vélos au-delà des 1 000 € en prix de vente. En deçà, la rentabilité n’est plus garantie car l’investissement et le risque n’en valent pas la peine.
Mais curieusement, les magasins peinent à s’approvisionner en belles occasions, d’où les initiatives de certains distributeurs volontaristes qui « chassent » les bonnes affaires sur les sites d’annonces comme Le Bon Coin, en proposant aux vendeurs particuliers d’effectuer un diagnostic et une évaluation gratuits. On retrouve les ficelles commerciales de vendeurs d’immobilier, mais si c’est bien fait, ça marche.

La réparation n’est-elle pas aussi un relais de croissance ?
Le marché de la réparation de vélos en France reste assez flou, avec des variations des taux horaires de la main d’œuvre en atelier conséquentes, allant de 30 € à 85 €. On peut toutefois la valoriser avec des tarifs variables selon l’urgence avec différents tarifs selon le délai d’exécution.
Cependant, le dépôt de bilan, sans repreneur, de Velogik (4 magasins en propre et un en franchise) semble être le signe que le marché n’est pas mûr pour vivre de la seule réparation. En effet, celui du vélo musculaire est trop pauvre avec un prix de la MO trop bas, un panier moyen très faible, il est de plus chronophage avec une facturation au quart d’heure. Le vélo électrique donne, sans nul doute, de l’oxygène à ce marché en permettant de passer à une MO mieux tarifée et d’éliminer les bricoleurs.
Mais restons réalistes, dans un magasin, la réparation représente environ 5% du CA. Là aussi les écarts sont notables. Certains, très volontaristes, montent à 8% du CA, quand d’autres sont à 3%. Les conditions de réussite sont pourtant simples : un atelier visuel, des possibilités de rendez-vous en ligne type Doctolib, l’établissement de devis intégrant prix des pièces, MO et délai, un contrôle systématique des organes de sécurité, la communication par SMS avec les clients, la possibilité d’enlèvement et de livraison, le prêt de vélos de courtoisie, la délivrance d’un carnet d’entretien...
Avec un parc roulant estimé à 45 millions de cycles, qui sont réparables quasi à l’infini, le marché est énorme… Pour mémoire l’opération Coup de pouce vélo avait permis de réparer plus de 2 millions de cycles.
Reste le plus difficile à faire : convaincre les utilisateurs de la nécessité de l’entretien. //
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